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Le marché comme « conquête sociale »

Addition au chapitre 3 – Les vulnérabilités de l’entreprise pauvre – avant dernier paragraphe

marché à KinshasaLe petit entrepreneur vit une continuité dans son activité jusqu’à l’accès au marché. La vente est la phase finale de son activité de producteur.

Dans l’Europe moderne, c’est-à-dire sur la période XVIe –XVIIIe siècle, comme le souligne Laurence Fontaine (Fontaine, Laurence. Le Marché – Histoire et usages d’une conquête sociale, nrf essais Gallimard, 452 pages, 2013) « tout le monde est marchand et les marchés sont ouverts à tous » (page 78). Riches ou pauvres, tout le monde a besoin du marché pour échanger. L’un des bénéfices des marchés qui se sont développés est que, plus les marchés sont fréquents, plus les consommateurs peuvent se ravitailler en petites quantités au fur et à mesure des rentrées d’argent. Le marché est donc un important moyen d’ajustement des stocks et il garantit un écoulement rapide des marchandises produites. A juste titre, Laurence Fontaine parle ainsi du marché comme d’une « conquête sociale ». Elle cite par exemple juste après la révolution les propos du préfet du Gers qui justifie le maintien d’un marché hebdomadaire : « les citoyens ne peuvent se procurer les objets de consommation de première nécessité, surtout les citoyens de la classe peu aisée ou indigente qui ont besoin du produit journalier de leur industrie ou de leur travail, pour se procurer les grains ou objets nécessaire s à leur subsistance et celle de leur famille ».

En France explique Dominique Margairaz (Foires et marchés dans la France préindustrielle , Paris , Editions de l’Ecole des hautes Etudes en Sciences Sociales, « Recherches d’Histoire et de sciences sociales », 33, 1988, 275p.) en l’an II de l’Empire, donc juste après la Révolution, il existe 16 535 foires en France dans 2 446 lieux différents. Elles sont surtout fréquentes dans les lieux d’habitat dispersé et de faible urbanisation. Vers 1806, le nombre de foires augmente encore pour passer à 23 839. Cela montre le besoin croissant d’échanger et probablement la quantité de produits échangés augmente globalement au 19e siècle, ce qui se retrouve dans l’analyse des historiens de la croissance et du PIB comme Michael Kremer ou Angus Maddison.